Hommage à Pastora, militante anticarcérale et mère de José Tarrio (texte et audio) par les Trois Passants

[reçu par mail]

LA COROGNE / TOULOUSE/ MEXIQUE : PASTORA VIT DANS NOS CŒURS

PASTORA VIT DANS NOS CŒURS
AVRIL 2019 – PLAGE DO RIÁS, COROGNE.

Notre chère compagnonne Pastora Dominga González Vieites, mère de
l’ex-prisonnier anarchiste Xosé Tarrío, est décédée d’un infarctus
le 25 avril 2019. Nous étions un peu plus d’une centaine hier, samedi,
à nous retrouver sur la Plage do Riás, à La Corogne, pour dire adieu
à Pastora, mère de Xosé Tarrío, l’auteur du libre Fuis, homme, fuis.
Journal d’un prisonnier FIES, qui avait succombé à une paralysie
cérébrale en janvier 2005 après une longue agonie, conséquence de
son état de santé délabré suite à son passage par la plupart des
prisons de l’État espagnol.

Malgré le ciel menaçant toute la matinée, peu à peu, des ami·e·s,
des proches, des compagnon-ne-s venu-e-s des quatre coins du pays et
d’ailleurs arrivaient sur la plage, jusqu’à ce que l’on se retrouve à
plus de cent personnes. La cérémonie des adieux a eu lieu en début
d’après-midi, dans un bois près de la plage, où l’on a rendu hommage
à Pastora avec de la musique et de la poésie, et appelé à ce que sa
lutte ne meure pas. Pour terminer, les proches ont dispersé ses cendres
et planté un arbre à cet endroit. Les cendres de Pastora reposent
maintenant avec celles de son fils Xosé.

Xosé Tarrío nous a fait entrer dans la dure réalité du régime FIES
(Fichiers d’Internes en Sûreté Spéciale)* grâce à son livre Fuis,
homme, fuis. Journal d’un prisonnier FIES. Ce livre qui décrit
précisément les vexations, tortures, mauvais traitements et dures
conditions de vie des prisonniers FIES, ainsi que les fugues et les
mutineries auxquelles a participé Xosé, a marqué toute une
génération. Tarrío a été incarcéré pour des délits de droit
commun, mais c’est en prison qu’il a peu à peu acquis une conscience
politique anarchiste. Ex-héroïnomane et atteint du SIDA, il a passé
dix-sept ans en prison au cours desquels il a connu la plupart des
prisons de l’État espagnol. Mis en liberté en 2004 vu son état de
santé critique, il a passé les derniers mois de sa vie à l’hôpital ;
il est tombé dans le coma en octobre de la même année et a succombé
à une paralysie cérébrale en janvier 2005. À sa mort, de nombreuses
manifestations ont eu lieu dans toute l’Espagne et par-delà ses
frontières.

Sa mère, Pastora, prenant conscience à la lecture du livre « Fuis,
homme, fuis » de la situation dans laquelle vivait son fils, quitta la
Suisse où elle avait émigré et revint en Galice pour le soutenir et
s’engager dans la lutte contre les prisons. Elle est devenue une figure
du combat contre les tortures, les mauvais traitements et l’existence
même des prisons. Fondatrice de l’Association Nais contra a impunidade
(Mères contre l’impunité), elle a poursuivi la lutte après la mort de
son fils en continuant à dénoncer le système carcéral, l’impunité
des matons et des forces de sécurité. Avec ses compagnonnes de Nais
contra a impunidade, elle a fait l’objet de poursuites judiciaires pour
avoir dénoncé la mort d’un jeune homme dans la caserne de la Guardia
Civil d’Arteixo. Les Nais ont finalement été acquittées.

Pastora a porté de nombreux projets et en avait encore bien d’autres
en tête. Elle a participé activement à l’Athénée Libertaire Xosé
Tarrío, à La Corogne, où elle a toujours réussi à organiser des
cantines de soutien à la lutte anticarcérale; elle avait aussi le
projet de créer des cantines sociales : « Pour que personne ne manque
d’un repas », disait-elle à ses camarades de l’Athénée. Pastora
participait aussi au projet d’association de proches de prisonnierEs et
victimes de répression au niveau national, intitulé « Familles face
à la cruauté carcérale ».

Pastora avait aussi un autre projet qu’elle n’a pu mener à bien : il
s’agissait d’acheter un terrain et une maison pour accueillir les
ex-prisonnierEs sans famille, de façon à leur donner un foyer et leur
faire travailler la terre, dans l’idée de leur permettre de gagner en
puissance et, à terme, d’être capables d’accueillir les nouveaux
ex-détenu·es arrivant.

_ TU NOUS LAISSES TANT DE CHOSES…_

_ « Pastora, chérie, papillon, sœur, compagnonne, amie… Tu
représentes tant pour nous toutes et tous, tu nous as tant laissé que
nous n’avons pas de mots pour l’exprimer, nous n’avons pas les mots
qu’il faut pour dire combien nous t’aimons. Nous te portons, dans notre
cœur et sur le chemin, nous ne te disons pas adieu mais nous continuons
à t’accueillir avec une immense tendresse, tu nous manques infiniment,
tu nous fais tant défaut. Reçois maintenant dans nos bras une
étreinte pleine de montagnes, de rivières, de fleuves, d’oiseaux, de
mers et de fleurs de toutes les couleurs comme tu les aimes. Merci pour
tout, pour chaque mot, pour chaque conseil, chaque éclat de rire,
chaque cri de rage contre la douleur qu’ils nous imposent, pour chaque
pas parcouru côte à côte avec nous, et avec ces milliers de personnes
qui aujourd’hui, ressentent le grand manque que tu laisses. Nous nous
souvenons de cette merveilleuse chaleur que tu dégageais pour nous
parler, chanter, nous embrasser fort et sincèrement. Tu es là, tu
seras toujours là, tu nous laisses rempli·e·s de bien des choses, de
beaucoup de rage et d’amour pour continuer… et bien sûr que la lutte
ne meurt pas._

_ C’est dur de ne pas pouvoir t’embrasser aujourd’hui, mais on pense à
toi et on sait qu’il reste beaucoup à faire et à parcourir. Nous le
ferons en t’ayant toujours à l’esprit, chère papillon aux couleurs
chatoyantes »._

_ À bientôt sur la Plage des Rias._

LES TROIS PASSANTS

PASTORA VIT DANS NOS CŒURS « QUE LA LUCHA NO MUERA »

Depuis avril 2017, grâce à un documentaire anti-carcéral réalisé
au Mexique comme point de départ intitulé « Ils nous ont volé nos
nuits », un échange s’est construit entre Pastora et plusieurs mères
et compagnonnes qui vivent l’enfermement de leurs fils, leur père,
leurs compagnons et depuis, nombreuses ont été les choses qui se sont
tissées.

Apprenant la disparition le 25 avril de notre très chère compagnonne
Pastora, nous voulons partager avec vous un enregistrement, traduit
simultanément, réalisé le 9 avril 2017 à Toulouse, lors de sa
participation à une rencontre qui avait eu lieu autour de la
présentation du documentaire : « Ils nous ont volé nos nuits, femmes
face à la prison, regards croisés, vécus et luttes ». Nous
rassemblons également ici plusieurs lettres écrites par les
compagnonnes et protagonistes de ce documentaire.

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Ville de Mexico, 25 avril 2019.
Compañeras de la Campagne contre la répression politique et la torture sexuelle.

 

 

AUDIO – Enregistrement de Pastora, traduit en simultané, réalisé le 9 avril 2017 à Toulouse, lors de sa participation à une rencontre qui avait eu lieu autour de la présentation du documentaire : « Ils nous ont volé nos nuits, femmes face à la prison, regards croisés, vécus et luttes »

Pour écouter l’audio cliquez ici.

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_ »Ce matin, en me réveillant, la première nouvelle qui m’est arrivée
est celle de ton départ. Je n’ai pu éviter l’incrédulité, ni que mes
yeux se remplissent de larmes. J’ai tout de suite pensé à la vidéo
que tu nous avais envoyée, tes paroles, ta lutte, toi. Des larmes, je
suis passée à un sentiment de rage, en me souvenant tout ce que
t’avait fait vivre ta lutte pour la liberté de Tarrio, Cheché, ton
fils chéri, pour d’autres compas, pour la liberté elle-même.
Compañera Pastora, tu es et resteras une femme qui, bien que nous
n’ayons pas eu l’occasion de nous rencontrer personnellement, nous avons
partagé un petit morceau de nous-mêmes, je te sens si proche et
aujourd’hui ton départ me fait mal. Je te remercie pour ta force, ton
esprit indomptable qui maintenant vole et s’infiltre dans nos cœurs. Je
me souviens combien j’ai eu du mal à lire tes écrits, tant est grande
l’impuissance générée par la farce carcérale « parce qu’elle te
détruit et t’arrache toute envie de vivre » comme tu le disais si
justement. Les larmes se mettent de nouveau à rouler et mon cœur se
serre, je pense à toi et la seule chose que je peux te dire c’est que
la lutte ne mourra pas, que ta lutte a laissé des graines que nous
continuerons d’arroser face à l’adversité. Compañera nous sommes
près de toi, nous te regrettons._

_ À tous tes proches, à tous ceux et celles qui t’ont accompagnée
dans ce long chemin, je les embrasse, j’espère qu’ils réussiront
rapidement à retrouver le courage et la façon de continuer. Une
étreinte forte, chaleureuse et solidaire, nous pensons à vous et nous
vous accompagnons depuis ces terres »._

VILLE DE MEXICO, 25 AVRIL 2019
MARIANA GONZÁLEZ
(compagne de Miguel Betanzos compagnon anarchiste condamné a 50 ans de
prison).

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_ « Compas, je vous exprime mes plus sincères condoléances à
l’occasion du décès de Pastora, lutteuse infatigable contre les
prisons, mère courage, femme solidaire, beau caractère et grand cœur,
la mort de cette grande femme laisse un vide énorme dans la lutte
anti-carcérale et dans le mouvement anarchiste. Moi Celia, mère d’un
prisonnier (Luis Fernando Sotelo), je regrette cette perte et je vous
envoie mes plus sincères condoléances._
_ Je vous envoie un fraternel abrazo [une forte accolade] et mes
salutations »._

VILLE DE MEXICO, 25 AVRIL 2019
CELIA ZAMBRANO
(mère du prisonnier Luis Fernando Sotelo Zambrano)

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_Pastora,_

_ « Femme, mère, guerrière infatigable, tu ne mourras jamais parce que
tu seras toujours présente comme un exemple de force pour toutes les
femmes que nous sommes et qui vivons d’une façon ou d’une autre la
maudite répression, l’enfermement de nos enfants, le chemin de la lutte
jour après jour sans jamais faiblir et bien que nous ne nous soyons pas
rencontrées physiquement, nous avons parcouru le même chemin dans ces
maudites prisons ; tes paroles qui un jour m’ont remise debout alors que
je me sentais si seule et que je n’en pouvais plus. Compañera, cela
restera gravé à jamais dans mon cœur »._

_ Compañera Pastora toujours vivante dans nos cœurs !_
_ Avec tout mon amour un fort abrazo!_

VILLE DE MEXICO, 25 AVRIL 2019
ANA MARIA CASTILLO
(mère du compagnon ex-prisonnier anarchiste Fernando Barcenas
Castillo)

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